Il y a deux règles à respecter chez Qassim que l’on pourrait nommer « les deux pas ».

Pas de contact physique ▹C’est comme ça, il faut s’y faire. Qassim a horreur des contacts physiques et il a une certaine tendance à mal regarder la personne si jamais celle-ci ose, que dis-je, brave l’interdit de pénétrer dans la bulle personnelle de Qassim sans son accord préalable. Autrement dit, soit il serre la main de son plein gré, soit il a un regard qui laisse entendre qu’il a été insulté sur quelques générations.

Pas d’appel téléphonique ▹ Même si la personne est en danger de mort imminent, Qassim ne répond jamais au téléphone quand un numéro s’affiche. C’est comme ça aussi, il faut s’y faire. Ami ou non, l’Égyptien ne décrochera jamais. En revanche, il répond toujours aux messages écrits.

Qassim est quelqu’un d’assez particulier dans sa simplicité. Il se présente comme un homme passionné d’archéologie et de l’Égypte Antique ainsi que des anciennes civilisations du Moyen-Orient, qui voue sa vie à la recherche, à la « science de la magie » finalement ainsi qu’à la découverte ; à l’écriture et à la restauration. Globalement, c’est un homme qui fait presque tout lui-même et c’est pour ça qu’il est aussi lent dans l’écriture de son livre. Il n’est intéressé que par sa passion et toutes ses connaissances sont utiles dans son métier ; autrement dit : il n’a aucune connaissance basique dans certains domaines parce qu’il s’en moque comme de l’an 40. L’Égyptien n’est pas particulièrement complexe, seulement on a souvent du mal à le suivre parce qu’il ne s’arrête jamais et vit tout le temps à cent à l’heure sans prendre de pause et c’est difficile de lui donner des intérêts autre que ce qu’il étudie.

Il sera curieux, mais sa curiosité a des limites jusqu’à ce qu’il juge que ça ne l’intéresse finalement pas. Peu porté sur les relations sociales, il ne cherche pas la compagnie des autres ni leur aide et a une certaine tendance à toujours faire les choses seul sans quémander quoique ce soit. Mais Qassim, c’est une accumulation de petites choses qui font que sa personnalité se complexifie à mesure qu’on cherche à le connaître.

On ne sait jamais ce qu’il pense, et on ne sait jamais ce qu’il prévoie à l’avance mais Qassim est quelqu’un qui calcule tout à l’avance pour tout optimiser. Rien n’est laissé au hasard avec lui et s’il se met à agir, c’est que son plan est prêt à être mis en application. Pourtant, à cause de sa nature discrète et franchement aléatoire, c’est difficile de dire ce qu’il s’apprête à faire. Il fait ce qu’il dit, dit ce qu’il pense, ne se soucie pas de vexer ou d’être trop franc. C’est quelqu’un d’entier, trop peut-être, et qui n’a pas assez conscience de la portée de ses propres mots. Ou peut-être qu’il s’en fiche totalement.

Il vole sans demander l’avis de qui que ce soit et ne semble pas vraiment du genre à culpabiliser de prendre un objet dans un musée ou chez quelqu’un. Bien sûr, c’est le principe même d’un voleur. Prendre sans demander. Aucune limite à la gêne, aucun respect de la vie privée, si quelque chose est dans la ligne de mire de Qassim, il fera tout pour l’obtenir quoiqu’il arrive. Déterminé, têtu et inconscient, il se fiche pas mal des risques. Mais l’Archéomage ne vole pas pour voler. Il vole par intérêt, parce qu’il doit le faire et parce qu’il ne veut pas s’encombrer une seule seconde de pourparlers pour avoir ce qu’il veut.

Il n’a pas l’air d’aimer qui que ce soit, et ce n’est pas qu’une impression. Qassim donne la sensation de ne porter personne dans son cœur ; pourtant il y a quelques gens qui échappent à cette indifférence mais ils se comptent sur les doigts d’une main. Allez, des deux mains pour voir un poil plus large. Qassim n’est pas quelqu’un qu’on apprécie forcément à cause de sa passion dévorante, sa franchise acérée ou son manque d’implication dans les relations sociales ; il fuit aussi beaucoup les contacts à cause de son problème d’hyperacousie. Ce n’est pas la solution et il a une certaine tendance à s’isoler tout de suite mais finalement, ça lui convient parfaitement. En fait, il semble fuir ces contacts, chercher le silence, ne croit pas une seule seconde que l’on s’inquiète pour lui et n’a aucune envie de rendre des comptes à qui que ce soit.

Mais c’est loin d’être quelqu’un de méchant, juste maladroit avec les mots qu’il peut employer ou dénué de finesse et délicatesse mais Qassim ne veut pas de mal à qui que ce soit. Il n’a pas le temps pour ça, il n’a pas le temps pour quoique ce soit finalement. Il ne se prend pas la tête avec les gens, le moins possible ; il ne voue aucune rancune à ceux qui ont pu lui faire du mal un jour – mais il n’oublie pas pour autant – et ne cherche pas à se venger. Il a surtout les yeux rivés sur le futur, jamais sur le passé.

Un peu trop franc, l’air misanthrope, borné, têtu, enthousiaste, trop curieux, inconscient, polyvalent, trop carriériste, obstiné, asocial, organisé, perfectionniste, nerveux, calculateur, engagé, cachottier, fier, inaccessible, égoïste, ambitieux, déterminé, individualiste, ironique, observateur, réaliste et si ce n’est qu’une petite partie de sa personnalité, ça le rend tout simplement humain.

Qassim ne vit pas pour plaire, Qassim vit pour offrir le savoir qu’il accumule au monde sorcier.

Le silence.
Berceau de l'existence, du néant et de l’inconscient.
Bonheur à l’état brut, diamant pur de la solitude.

Pas de tic-tac régulier, pas de pluie s’abattant sur la fenêtre, pas d’aboiement, pas de pleur, pas de bruit de bouche, pas de cri, pas de klaxon, pas de clic nerveux sur le stylo, pas de sonnette, pas de mot, pas de respiration trop forte, pas de ronflement, pas de rire, pas de couvert râclant du verre, pas de craie sur un tableau noir.

Rien que le silence.

On dit que personne ne peut vivre seul et pourtant l’homme a défié tous les pronostics en fuyant les contacts humain comme s’il s’agissait de la Peste mais à choisir, il aurait préféré le Choléra. Petit garçon sauvage désireux de s’envoler comme un oiseau avec la malédiction de devoir garder les pieds sur terre et obliger de constamment vivre dans un monde qui l’angoisse par la pression et la dépression.

Le petit Égyptien a quatre ans, il pleure pour aucune raison. Il se plaint que le bruit est trop fort. C’est son anniversaire. Anniversaire qu’il partage avec son frère jumeau. Toute la famille est réunie. Rare fois où tout le monde se côtoie sans se tirer dessus à boulet rouge. Qasim et Basim. Qasim avec un seul « s » à l’époque. Devenu Qassim avec le temps, l’écriture transformant son prénom. Une erreur qui l’a rendu unique. C’est un de ses souvenirs les plus anciens. Cette gêne au niveau des oreilles. Les bruits, pourtant pas si fort, semblent s’amplifier pour aucune raison. C’est la première cassure entre les deux côté de la famille.

C’est un Djinn, pas un garçon.

C’est quoi, un Djinn ? une créature crée d’un feu sans fumée et tantôt considérée comme bénéfique mais souvent maléfique. Ces êtres prennent soit possession d’un corps, soit prenne l’apparence de quelqu’un pour faire du mal. Une punition pour les Elshiekh, le côté maternel.

Qasim le Djinn.
On ne veut pas de toi.

Et on ne veut pas de Basim non plus. Une telle ressemblance est suspecte. Trompeuse.


Le petit Égyptien a sept ans, il est incontrôlable. Basim attire tous les regards. Son jumeau est intelligent. Trop, peut-être. Il a une mémoire exceptionnelle. Récite des poésies par cœur sans effort. N’a pas besoin de travailler à l’école. Reste pourtant accroché aux basques de son frère né quatre minutes avant lui. Qasim n’a jamais éprouvé la moindre jalousie envers son « cadet ». Il a su se résigner très vite. Il n’a pas connu ses parents ? Peu importe, ils ne lui manquent pas. On le considère comme un Djinn ? Au moins on ne l’approche pas. Il n’est pas aussi intelligent que Basim ? La belle affaire. Au moins, on l’oublie. Il veut être invisible, lui qui est identique à son jumeau. On l’appelle souvent Basim et Basim est souvent appelé Qasim. L’aîné se demande si Basim le prend bien d’être confondu avec lui, mais aucun des deux ne nient. Ils s’en amusent car les jumeaux sont deux véritables tornades. Qasim et Basim s’ennuient, mais pas pour les mêmes raisons. Basim aide Qasim à travailler et en retour, ils jouent des tours à leurs proches et à leurs professeurs. Ils s’amusent. Ils sont heureux. Mais Basim voit que son frère s’éloigne. Veut s’éloigner. Est trop conscient pour son jeune âge. Et Qasim voit que son frère veut simplement le faire sourire et rire.

Le petit Égyptien a dix ans, il explose de joie face au cadeau d’anniversaire que lui ont offert ses grands-parents. Piânkhy « Pia » Al-Khazrajy et Ouadjet Al-Khazrajy, née Salah, qui ont élevé les jumeaux. Pia et Mamie O. La lampe éclate, les plongeant dans le noir. Basim, Pia et Mamie O fixent tous Qasim. Pia éclate de rire. Il serre son petit-fils contre lui pour lui montrer que tout va bien, et lui annonce de but en blanc qu’il est un sorcier comme son père disparu et comme un bon nombre d’Al-Khazrajy avant lui.

Il fut un temps où le nom Al-Khazrajy était associé à quelque chose de très positif et c’est là que la légende de cette famille de djinns est née. Autrefois, il y a bien des siècles de cela, les Al-Khazrajy étaient des nomades allant et venant au travers du Moyen-Orient pour échapper à la cruauté des Hommes tout en ayant pour conviction d’aider leur prochain grâce aux dons qu’on leur avait donné. Bien qu’ils soient des Sangs-Purs, cette humble mais puissante famille avait cette certitude d’avoir été bénie des anciens dieux. Ils se sont bâti une très belle réputation d’une solidité remarquable mais ce qui a été le plus exceptionnel, c’est qu’ils ont réussi à la faire perdurer pendant des décennies…

Jusqu’à Hassan en 1892.

Hassan fut l’homme qui détruisit les Al-Khazrajy et leur héritage magique, les forçant à se réfugier parmi les personnes sans pouvoir et obliger à s’établir quelque part alors qu’ils n’ont jamais eu de maison fixe, allant et venant à travers les pays. Leur sang si pur fut alors mélangé et naquirent les premiers sangs-mêlés de la famille. Mais à cause d’Hassan et de ce qu’il a fait, le nom de cette si prestigieuse lignée était devenu tabou.

Le petit Égyptien a dix-huit ans et il quitte l’Afrique pour la première fois avec pour seul bagage son vieux sac à dos bouffé par les mites et ses vêtements, perdu dans l’immensité londonienne sans connaître ni la langue, ni la culture du pays et de ses habitants. Il se sent trahit. Humilié. En colère. Et profondément triste.


À partir du moment où Qassim est arrivé en Angleterre, il n’a pas arrêté une seule seconde. Apprendre l’anglais, trouver un appartement, enchaîner les petits boulots. Se battre contre le fait qu’il est socialement inadapté et qu’il lui a fallu faire bien des efforts pour justement s’adapter, faire semblant d’écouter et de tout comprendre, n’entendre rien d’autre que des bruits de fond comme s’il était sous l’eau. Rentrer. Ne pas manger parce qu’il faut qu’il paye le toit miteux qu’il a au-dessus de sa tête. Préférant se loger que se nourrir.

Un an. Un an lui aura suffi pour apprendre toutes les bases afin de construire les fondations solides de sa nouvelle vie pour finalement trouver ce boulot au Ministère en tant que Briseur de Maléfices. Nouveaux collègues, nouvelles missions, nouveaux voyages et enfin pouvoir commencer à travailler sur ce qui le fait rêver depuis des années : parler de l’ancienne magie égyptienne, de l’époque des premiers Pharaons jusqu’à nos jours.

2000, deux ans après la guerre qui a ébranlé les îles britanniques, un an après son arrivée en Grande-Bretagne, le voilà qu’il entre au Ministère Britannique de la magie.


Pendant ces quelques années, Qassim s’est lié d’amitié avec un autre expatrié, comme lui. Sigurd Asbjørnsen. Un Suédois travaillant au même endroit que lui. Passionné par les mêmes choses. Un homme qui l’a aidé à perfectionner son anglais et a été son premier allié, son premier soutien. Un homme avec lequel il a entretenu une amitié pendant presque 20 ans, mais avec qui l’Égyptien ne parle plus aujourd’hui. Et il y avait Eliza. Son assistante d'aujourd'hui, mais celle qui se rapproche le plus d'une meilleure amie qui ne l'a jamais abandonné. L'Anglaise qui lui a tout appris, finalement. Ou presque. Un trio qui fonctionnait bien, un binôme où chacun des deux avait besoin de l’autre. Un trio qui a explosé en plein vol à cause d’une divergence d’opinion qui pourrait mal tourner.


2000 à 2005, le Ministère de la Magie Britannique. 2006 à 2008, Gringotts. À chaque fois, la même histoire. Qassim est trop passionné. Trop intense. Déteste ces gens qui se croient tout permis. S’octroient le droit de dire « c’est à nous » alors que les objets qu’ils trouvent pour les désensorceler appartiennent au pays où ils les ont dénichés. On le déteste parce qu’il prend position contre l’avis général. Qassim se la joue solitaire. Égoïste. Il ne se laisse ni émouvoir, ni détourner de son objectif par une poignée de crétins qui l’empêchent d’avancer. Et il vole. Il vole tout ce qu’il peut voler avec la finesse d’un voleur expérimenté. La magie sans baguette lui confère une immunité dont il profite largement ; on ne peut l’accuser textuellement mais on sait que c’est lui.

Et il a fini par se mettre officiellement à son compte en 2008 après son départ de Gringotts. C’est aussi là que sa descente aux enfers a commencé.


Archéomage indépendant, voilà comment il s’est autoproclamé.
Sigurd a commencé à financer ses expéditions, désireux d’exploiter la liberté de Qassim.
Financement que Qassim n’a jamais refusé, désireux de profiter des moyens de Sigurd
Financement que Qassim a toujours remboursé au bout du compte.
Mais Sigurd ne voulait pas qu’il le rembourse.
Ils se disputaient souvent à ce sujet.
Qassim travaillait trop.
Il avait mal à la tête.
Tout le temps.
Depuis toujours.
Et il ne se reposait jamais.
Jusqu’à ce que la morphine entre dans sa vie comme une libération bienvenue.

2008 à 2012, quatre années d’addiction où Eliza et Sigurd le ramassaient et l’obligeaient à se sevrer. Il ne faisait pas ça pour le torturer, mais pour l’aider. Qassim voulait s’en sortir mais la morphine était si bonne que son esprit trop faible voulait continuer à ne plus avoir mal. Une faiblesse de quatre ans, un black-out de quatre ans où il a juste perdu du temps. Jusqu’à ce qu’en 2012, il fasse une overdose qui l’a expédié tout droit à l’hôpital, manquant de très peu de le catapulter directement dans un cimetière. Jamais Qassim n’a eu peur de mourir. Mais jamais il n’a voulu mourir « comme ça ». Il s’est repris en main, aidé par l’infirmière qui a bien voulu le laisser sortir malgré sa désapprobation (trop faible, mal-nourri, fatigué) ; aidé par son frère jumeau qui a été celui qui l'a retrouvé, qui désirait plus que tout que Qassim se rétablisse et parvienne enfin à vivre normalement malgré l'angoisse présente qu'il recommence.

Afin de continuer à nager à contre-courant parce que c’est ce qu’il fait.
Afin de redevenir ce sorcier anticonstitutionnel parce que c’est ce qu’il est.


À quarante-deux ans, Qassim fait le point.
Une vie chaotique menée au cœur de la tempête qui est sa passion.
À enfin mettre un mot sur son handicap lorsqu’il a eu vingt ans, l’hyperacousie.
À se pencher sur l’histoire de sa famille paternelle avec l’aide de son frère, les Al-Khazrajy.
À découvrir comment, quand et pourquoi Hassan Al-Khazrajy a décidé de détruire ce clan.
À finalement faire croire qu’il est un Djinn et se servir des « reproches » comme d’une force.
À lutter contre les regards et les mauvaises langues.
À écrire nuit et jour comme si sa vie en dépendait.
À explorer toujours plus loin, dans des contrées toujours plus reculées, pour en savoir plus.
À détester la hiérarchie, cracher sur l’autorité, toujours faire le contraire de ce qu’on attend de lui.
À explorer, dénicher, voler des objets ; à désensorceler, restaurer, nettoyer ces objets.
À dessiner et peindre pour pouvoir s’évader autrement que dans son travail.
À jouer occasionnellement du violon pour calmer ses mains, son cœur et son esprit.
À délaisser quelque peu le relationnel pour ne s’occuper que de ce qui l’intéresse.
À avoir été fâché tant d’années avec son jumeau pour finalement retrouver leur complicité de toujours.
À tomber amoureux là où il était persuadé que ça ne lui arriverait jamais.
À laisser tomber ce qui n’en vaut pas la peine pour ne jamais perdre son objectif de sa ligne de mire.

Qassim a tout fait pour accéder à un bonheur égoïste, tout fait pour faire de sa passion son métier ; il a toujours été très occupé durant toute sa vie. Plus jeune, il a appris à jouer du violon et à dessiner pour penser à autre chose ; il a appris à déchiffrer les hiéroglyphes lorsqu’il était à Ouagadou en plus du reste. Il passe sa vie à travailler et c’est un homme qui n’arrive pas à s’arrêter.

Toujours en mouvement, incapable de se poser, parce qu’il a un but et qu’il veut l’atteindre.
Un véritable couteau suisse doté d’un esprit sauvage et sans réelle limite.